Petit bouleau

Quelques jours après le repas de la jeune Madeleine, un pli arrive au Bloody Sunday, avec une jolie écriture calligraphiée sur l'enveloppe au nom de Madeleine Huée d'Aristophane.

Citation :

Chère Madeleine,

J'espère que vous avez eu le temps de vous remettre de notre petit repas de l'autre soir. Je sais que les choses peuvent sembler un peu dure à avaler. Mais n'ayez crainte, en fait, vous êtes toujours la même dans le même monde, rien n'a changé, si ce n'est votre regard. A propos du regard, pensez à bien à ouvrir les yeux autour de vous, cela peut s'avérer instructif.

Mais si je vous écris, ce n'est pas sans un but, vous vous en doutez. En effet, comme vous devez le savoir, je suis conservatrice de musée, et il se trouve qu'à Lyon, au salon de vente aux enchère appelé salon des Clés, il se pourrait qu'un article me soit très intéressant.

Auriez vous l'obligeance d'accepter un petit service pour cette bonne vieille ami que je suis? Bien entendu, cette vente aux enchère se fera sur vos horaires de travail, et votre patron est bien entendu d'accord pour que je vous vole quelques heures. Si vous avez quelques envies pour vous faciliter la vie, n'hésitez d'ailleurs pas à me joindre...

D'ailleurs pour toutes questions, n'hésitez pas à me joindre!

Vous pourrez m'envoyez votre réponse soit par pigeon voyageur (de loin mon outil de communication préféré, mais peu usité en notre temps), soit sur mon téléphone, ou bien par ces "mails", dont je ne comprend pas tout, mais qui ont l'avantage d'être très rapide!

Que vos journées sont longues et vos nuits prospères.

Amicalement, Sabrina, mais tu peux m'appeler Gwenwyvar.

Après la soirée des fameuses révélations c’est en tenant une bonne cuite que la jeune étudiante était rentrée chez elle. Rentrée comment d’ailleurs ? Ouch… la tête… Gilles l’aurait raccompagnée ? Ou le patron ? Ou bien elle était rentrée seule, un pas en amenant un autre ? Pas moyen de se souvenir… Les derniers souvenirs de la soirée sont ceux d’une conservatrice de musée qui n’en est en faite pas une qui passe la pas de la porte du Bloody en semant encore quelques paroles insidieuses en sont crane déjà farci, là laissant atterrée comme un enfant à qui on révèle finalement que le Père Noel n’est qu’un gigantesque coup monté, la plus grosse supercherie que les adultes peuvent inventer. Ou plutôt en fait comme un adulte à qui justement on révèlerait que la Petite Souris existe bel et bien, que les Morts reviennent hanter les Vivants le jour d’Halloween et même qu’en plus le débarquement d’E.T. est imminent. Ouais, c’est à peu près ce genre de claque magistrale là que la jeune Madeleine elle a pris sur le coin du museau, la redescendant de ses nuages pour aussitôt la propulser sur une étoile filante.

Elle est rentrée donc la petite serveuse, dans son minuscule studio. Et puis elle a dormi. Dormi. Et encore dormi. Le cours du matin est passé à la trappe. Pas la tête à ça. L’après midi elle ne se montra pas plus au Bloody, ainsi qu’il avait pourtant été prévu. Non. Elle dort. Et elle cogite. Quand le soir, en bon oiseau de nuit qu’elle est, elle se résigne a se lever un peu, c’est pour grignoter et coucher quelques lignes sur le cahier immaculé qui doit recueillir tout le cheminement de son questionnement. Pourquoi donc la NASA, le CNRS ou je ne sais qu’elles autres organisations aux sigles aux significations obscures n’étudient pas leur cas ? Comment ils ont pu cacher leur existence jusque là ? A quoi ils servent d’abord ces pentacles étranges ? Ils se positionnent où dans la chaine alimentaire ? C’est des parasites de l’espèce Humaine, ni plus ni moins ? Le brouillon de ses idées tumultueuses est retranscrits sur le cahier, comme ça vient, sans fil d’Ariane, à l’arrache.

Les rayons du Soleil la voit ressortir le lendemain, moins gaie, plus taciturne, un regard méfiant jeté derrière son épaule, un autre davantage scrutateur qui dévisage les passants qu’elle croise. Nephilims, ou pas Nephilims ? D’abord, c’est étendu à quel point cette vacherie de parasite ? Quand on se promène dans la rue comme ça on en croise en moyenne combien ? Un seul ? Une dizaine ? Une centaine ? Encore une question pour le cahier…
Cours la journée… D’une oreille pas très attentive faut l’avouer… Et puis retour au Bloody le soir, les yeux plus cernés que jamais. Un contrat à honorer. De l’argent de poche à gagner. Et, parce que les mauvaises habitudes ont la vie dure : des réponses à obtenir. Maintenant que les révélations avaient commencées elle ne pouvait plus s’en tenir là. Pas faire comme si rien ne s’était passé. Pas peureuse. Pas téméraire non plus. Juste inconsciente.

Deux jours donc qu’elle avait repris du service, se demandant si Gilles était au courant avant, lui, ou si la révélation lui était tombée dessus sur le coin du pif en même temps qu’elle. Un regard qui se coule de temps à autre, sondant, tâtant le terrain. Et une lettre qui l’attend.

Regard interrogateur qui la parcourt… Alors que la petite voix sarcastique reprend du poil de la bête dans son ciboulot…

« Dur à avaler » ? Moais, c’est le moins qu’on puisse dire !

Et des conseils gentillets… Oui Maman !

Et pourquoi tu vas pas le chercher par toi-même ton objet « intéressant » ? Je suis serveuse moi…

« Bonne vieille amie » ? Arff ! Laissez-moi rire ! Une seule rencontre et amicale n’est pas le qualificatif que j’aurais employé !

« Pigeon voyageur » ? Mpfff.. Faut se mettre au gout du jour quand même ! A quoi sert de vivre si longtemps si on a une capacité d’adaptation à l’évolution aussi réduite ?!

Gwen-quoi ?!? Mhh ben Sabrina ça continuera à faire l’affaire hein !

Petite voix qui est reléguée au loin en même temps que la lettre est repliée, pensivement, moue dubitative sur les lèvres rouges. C’est quoi ça d’abord le Salon des Clés ? Et elle entend quoi par « intéressant » sans pour autant s’y risquer soit même ? La lettre pliée est fourrée dans la poche, on verra ça a l’appart’…
Bon... un mail… ah oui ! En PS l’adresse a été rajoutée ! Alors les doigts s’agitent sur le clavier, formant réponse à la demande mystérieuse d’une conservatrice qui ne l’est pas moins…

Citation :

Sabrina,
Je suis flattée que vous pensiez à moi pour ce genre de course qui semble vous tenir à cœur. Seriez-vous souffrante pour ne pouvoir vous déplacer en personne ?
Je dois vous avouer mon ignorance totale au sujet de ce salon des Clés dont vous me parlez, quels genres de choses y sont exposés ? Et à quelles dates se tient-il ? Pourriez-vous également être un peu plus précise concernant la nature de ce que vous aimeriez que je vous ramène ? En effet je dois vous avertir que je suis fort maladroite, je n’aimerais qu’il s’agisse d’un vase de grande valeur ou autre objet qu’il serait fort mal avisé de me confier !
En espérant que ce mail vous trouve en bonne santé,
Cordialement,
Madeleine

Un savant clic sur « Envoyer » et un petit corps qui se glisse avec délice sous une couette d’une fraicheur bienvenue.

La réponse ne se fit pas attendre. La nuit même, un message est reçu sur la boîte mail.

Citation :

Chère amie,

n'ai pas d'inquiétude, je ne te demanderais jamais la Lune, je laisse cela à notre ami commun. Je m'en vais donc éclairé ta lanterne.
Premièrement, je ne suis pas souffrante, je te remercie de ta sollicitude, mais d'autres affaires me retienne loin de Lyon, qui est, j'ignore si tu l'intuites, pas ma ville d'adoption. Je ne pourrais donc être présente au moment de cette vente aux enchères.

Mais je note avec plaisir que tu te poses de nombreuses questions, c'est bonne chose. Mais attention à ne pas t'y perdre! N'oublie pas que le monde dans lequel tu vis est toujours le même...Nous ne sommes pas si nombreux, et si tu le souhaite, je pourrais t'expliquer un moyen de repérer la plupart d'entre nous, si cela peut te rassurer.
Mais je m'égare (tu noteras que c'est une habitude, j'ai tendance à cela, chacun ses défauts). Donc tu t'interroges sur
le salon des Clés. Tu fais bien de te renseigner sur le monde qui t'entoure en général. Le Salon des Clés est simplement un Salon de vente aux enchères, comme il en existe de nombreux un peu partout. Le Symbole des clés est néanmoins empreint d'une mystique synarchique, mais rien de bien probant. Donc une salle des ventes.

L'objet qui m'a interpellé est une belle horloge du XVI° siècle d'origine Gascogne, qui fera une merveilleuse pièce dans mon exposition actuelle. Si tu arrive à te la procurer, il y a peu de chance que tu l'abime, elle sera bien empaqueté, ne t'inquiète pas (à moins que tu ne le fasse exprès, mais cela m'étonnerais).

La vente aura lieu dans trois jours, à 18h00, ce qui te laisse tous le temps de t'y préparer. Dans deux jours, tu recevra néanmoins un colis au Bar, contenant ce qu'il te faut pour être mandater par mon musée, et une brochure explicitant l'objet qui m'intéresse. SI tu accepte de me rendre ce petit service, nous reparlerons de la réserve financière qui t'es dévolu. Tu verras qu'il peut être intéressant d'être agent mandaté parfois.

Dans tous les cas, prend bien soin de toi, et si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésites pas à faire appel à moi, je me ferai un plaisir d'essayer de t'aider.

Que tes journées soient longues et tes nuits prospères.

Elle ne perd pas de tend la conservatrice ! Elle est insomniaque ou quoi ?
Au levé en effet un mail l’attendait déjà.
Un regard encore ensommeillée qui parcours rapidement le tout et les doigts s’agitent quelques minutes sur le clavier pour former une réponse avant de filer en cours…

Citation :

Sabrina,

J’accepte en effet que vous m’enseigniez le moyen de reconnaitre les êtres de vôtre espèce. Un humain averti en vaut deux.

J’irais donc chercher votre horloge puisque le patron est d’accord, indiquez moi l’heure et le lieu du Salon ainsi que la somme que vous êtes prête à mettre pour en faire l’acquisition. D’ailleurs avec quel moyen de paiement dois-je régler l’achat ?

C’est que je n’ai même jamais mis le pied dans un Salon d’enchere, j’aimerais ne pas faire de bévues.
Bien à vous,

Madeleine

Un nouveau clic sur « envoyer » et c’est cette fois sous la douche qu’elle file se glisser. Une bonne grosse douche chaude pour la reveiller et la remettre de cette nouvelle nuit où son sommeil fut agité …

Quelques heures plus tard, la réponse attendue était envoyée

Citation :

Madeleine,

Je serai donc telle Jésus (pas celui qui fut, mais celui qui à été raconté) qui délivra ta pseudonyme de ses sept démons. Mais nous prendrons notre temps.

Ton premier démon semble être de reconnaître une partie du monde: nous.
Et bien, d'une certaines manière, cela est bien simple. Tu aura remarqué certainement que notre ami commun à une chevelure d'un blanc trop parfait pour son âge. Ce n'est pas une teinture! Quant à cette odeur qui l'accompagne, ou le timbre de sa voix, ne l'a tu pas remarqué? Son métamorphe est une chimère.

Quant à moi, n'a tu pas remarqué que mes yeux étaient couverts d'un voile de brume, et que ma voix partait souvent dans un murmure sifflant? Je suis un Feu Follet.

Chaque membre de notre race est en fait d'un "type" particulier, si tu veux. nous appelons ça nos métamorphes, ils sont en fait l'expression de notre personnalité profonde. Et fonction de notre puissance, et de notre proximité avec notre "moi profond", notre métamorphe laisse des traces sur notre simulacres, de plus en plus marqués. Il existe cinq zones particulières mystiquement reliées à notre métamorphe:

-La Tête, composée des cheveux, des yeux, ou de tout élément du visage. L'un de ces éléments sera modifiés par un aspects métamorphiques.

-La Peau: celle ci peut être modifiée en terme de couleur, de texture, ou d'une quelconque manière.

-Les Mains: Celles-ci peuvent être totalement transformées, soit elles mêmes, soit une de leurs parties (ongles, doigts, ou autres). La forme peut changer, devenir palmées, ou bien s'atrophier, mais aussi avoir d'autres caractéristiques: les miennes par exemple deviennent de plus en plus rapides, au fur et à mesures, pour devenir spasmodique. Il viendra un moment ou l'œil non averti ne pourra plus distinguer avec précision les gestes de mes mains!

-L'Odeur: Tout Néphilim dégage une odeur particulière. Celle ci peut être au début subtile, mais finit toujours par se sentir autant que vos parfums bon marché!

-La voix: instrument très utile pour nous autres qui ont en général des connaissances dépassant les possibilités d'étudiants actuels, celle ci est néanmoins traitresse car révélant notre nature. La voix d'un Déchu dont le métamorphe est repérable te rappellera toujours quelques chose: du torrent impétueux, à la caverne profonde, a moins qu'elle ne t'invoque quelques ensorceleur ou enjoleurs, une voix très particulières peut être révélatrice d'une autre nature.

Au final, si chacun de ces éléments isolé n'est pas forcément caractéristique d'un Néphilim, une conjonction devient très révélatrice.
Ainsi, un homme peut avoir les mains palmées, mais si tu constates une odeur de vase, des oreilles découpées, une peau écailleuse ou une voix caverneuse en conjonction alors tu peux rechercher les autres signes, car tu est certainement en présence d'un triton!

Mais pour en revenir au petit service, je t'envoie en pièce jointe l'adresse exacte, et l'heure de la vente au enchères. Tâche de t'habiller pour la circonstance. Dans la pièce jointe, tu as aussi un code qui te permet d'avoir une autorisation de prélèvement de 10.000 €, ce qui est le maximum que je peut m'autoriser pour ce genre d'objet. Ne surenchéri pas trop vite, mais pas trop tard non plus.

Et le plus important, garde les yeux bien ouvert, c'est l'important dans ce genre d'affaire. Le salon des clés est plein de surprise pour qui sait regarder.

Que tes journées soient longues et tes nuits prospères.

Sabrina.